13. Côtelettes et courgettes

Bonjour tout le monde ! Ici Sarah, votre dévouée. Aujourd’hui on va simplement discuter nourriture, calmement, paisiblement, sans controverse aucune et dans le respect de…

  • OUTRAGE !
  • Sarah-Militante, j’ai dit dans la paix et le respect de cha…
  • INDIGNEZ-VOUS !
  • Mais a-t-il vraiment tort ? Une bonne côtelette, avec du thym et du gros sel, c’est quand même délicieux.
  • ÇA VA PAS NON ? QUEL GOUJAT ! C’EST LA GUERRE !
  • La paix et le respect de chacun, bon sang !
  • C’est vrai que ce n’était pas très délicat de sa part.
  • D’accord, Sarah-Honnête, mais il ne pensait pas à mal, c’est la culture humaine qui…

Oh et puis zut, nier les faits ne servira à rien, les Sarah ont raison, autant crever l’abcès tout de suite.

Plus tôt dans la semaine, lors de l’une de nos innombrables petites pauses café, Marc et moi avons abordé le sujet de la viande. Il faut dire que nous nous apprêtons à voter sur le sujet de l’élevage intensif, et que les débats sont souvent enflammés. Je suis végétarienne depuis pas mal d’années, alors que lui…

  • Apprécie tous les plaisirs de la vie ?
  • Possède un très joli fessier que nous aimons regarder ?
  • EST UN BOUFFEUR DE VIANDE SANGUINAIRE !

… ne l’est simplement pas, voilà ! Oh, ne vous méprenez pas, je n’en veux pas aux omnivores : il serait bête et contreproductif d’en vouloir aux 87% de la population mondiale qui mangent encore de la viande (d’après les chiffres de 2018).

Non, ce qui me dérange, comme souvent, c’est la démarche, la réflexion derrière ce choix (ou ce non-choix), les justifications énoncées lors d’un débat. Et c’est précisément là que Marc a fauté (grrr, oui, Sarah-Honnête, cet épisode décevant porte un coup à son attrait, mais il conserve bien d’autres qualités !).

Des vérités qui dérangent aux des arguments qui démangent

Commençons, si vous le voulez bien, par quelques vérités évidentes :

Rien de neuf, me direz-vous. Tout le monde sait ça. Du coup si vous, qui me lisez, mangez encore aujourd’hui de la viande, cela ne peut avoir que deux explications :

  1. Vous ne ressentez aucune empathie pour les animaux, habité par une indifférence que je trouve particulièrement cruelle, mais honnête et cohérente;
  2. Vous ressentez de l’empathie pour les animaux, et vivez donc dans une sorte de déni, habité par une lâcheté que je trouve décevante, en plus d’être incohérente.

Alors, indifférence ou lâcheté ? C’est soit l’un, soit l’autre, qu’importe si comme Marc, vous tentez de vous justifier à base d’arguments depuis longtemps démentis. On a besoin de viande pour vivre en bonne santé ? Pas vraiment. Je préfère ma viande locale à du quinoa équatorial ? Le transport ne pèse que 10% de l’empreinte écologique des aliments et des atrocités peuvent être labélisées bio ou locales.

Qu’est-ce qu’il reste, alors ? Votre petit plaisir personnel.

Quand la conscience dit stop

J’aimais la viande, sous toutes ses formes et depuis toujours. J’ai grandi auprès de parents qui mangeaient et en mangent toujours régulièrement. Comme beaucoup, j’ai pris en grandissant conscience de ce qu’impliquait en coulisse ce mode de vie « normal ». Et comme beaucoup, j’ai longtemps évité d’y penser, puis j’ai trouvé des astuces pour être à l’aise avec ma consommation, n’achetant que du haut de gamme bio ou local, réduisant à X fois par semaine, préférant le poulet aux plus grands animaux, etc.

Largement suffisant, n’est-ce pas ? Pourquoi ai-je alors fini par arrêter totalement d’en manger ? Qu’est-ce qui a changé ? Un truc tout bête, un évènement banal dans ma vie : l’arrivée de deux chats. Deux petits animaux que j’ai vu naître et grandir, et qui partagent depuis quatre ans mon quotidien. Deux caractères uniques, deux personnalités à la fois très primitives, mais dont certains aspects me semblent terriblement humains. Ils connaissent le plaisir, la peur, l’angoisse, la joie, la curiosité et l’ennui. Ils m’ont changée à un point de non-retour.

Je reconnais désormais leur regard dans chaque animal que je croise, dans chaque vache, cochon, veau, cheval, chèvre et même poulet. Un regard conscient, sensible dans sa définition la plus littéraire, capable d’éprouver une terreur absolue en tout point semblable à la nôtre, qui est en vie et veut le rester. Comment pourrais-je alors trouver intolérable la mort de mes chats, mais pas celle d’autres animaux ? Je ne peux pas. Je ne peux plus.

La viande a accompagné l’humanité depuis ses débuts dans son développement et sa croissance. La viande constitue encore aujourd’hui un apport indispensable à des populations en situation de détresse. Mais à partir du moment où une société ne crève plus de faim et réalise que oui, tous les animaux aspirent à une vie agréable et refusent de mourir, alors cette société a le devoir de ne pas fermer les yeux. Nous ne sommes pas des lions, nous avons conscience de la souffrance chez autrui, comment pouvons-nous donc continuer de l’accepter ? Nous valons mieux que ça.

Vous mangeriez votre chat ou votre chien, vous ? Quel prix considérez-vous aujourd’hui comme acceptable pour votre plaisir personnel ? Pourquoi ai-je la quasi-certitude que vous refuseriez de passer une heure à parcourir le site de L214 si je vous le demandais ? De quoi avez-vous peur ?

Marc n’a pas su quoi répondre à ces questions. Et c’est bien là le problème.

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